La pandémie nous fait réfléchir au modèle de société que nous voulons pour nous et nos enfants. Dans notre cas, ce n’était pas l’envie de dénoncer, d’accuser, de laisser filer l’espoir, mais plutôt cette conviction qu’un monde nouveau est possible, souhaitable et à portée de main et d’esprit. Nous nous sommes donc réunis, un petit groupe de personnes que nous apprécions professionnellement mais aussi personnellement, des gens d’inspiration et de valeurs humaines, qui, déjà, travaillaient à l’éclosion d’un monde meilleur.
La page était blanche, elle s’est colorée de toutes sortes de réflexions et d’influences, autour de quelques questions: à quoi ressemble la société que nous voulons contribuer à créer ? Quel rôle les organisations y remplissent ? Quelle posture devons-nous adopter ? Tout doucement une clarté a émergé sur le parallèle entre les principes de la vie à l’état naturel et la vie dans les organisations créées par l’homme, dans lesquelles nous évoluons ou que nous bâtissons comme entrepreneurs. Les principes du biomimétisme se sont imposés comme seule voie d’innovation humaine. Nous ne livrons pas ici une recette, ni une leçon de morale, nous ne revendiquons rien auprès de nos gouvernements, sauf de soutenir l’émergence d’organisations responsables, respectueuses et inspirées de la nature. Cette lettre cherche à tracer une voie.
Depuis le nouveau millénaire, nous entrons dans une phase nommée l’anthropocène où les actions humaines ont une incidence globale sur notre planète. Décorrélés du vivant, nous avons asservi les peuples et l’environnement pour répondre aux besoins de l’économie. Nous laissons les règles que nous avons établies primer sur celles de la nature. Notre santé physique et psychologique en est affectée.
Heureusement, partout émergent des initiatives qui renversent la vapeur. Qui utilisent plutôt l’économie au service de la vie. Qui s’inspirent des principes du vivant pour guider leurs actions. Nous croyons fermement qu’en suivant ce changement de paradigme, nous pouvons revitaliser positivement notre économie, augmenter la capacité de résilience de nos organisations, assurer une transition socio-écologique saine et améliorer le bien-être.
Selon le consensus des experts praticiens du biomimétisme (où l’on s’inspire du génie de la vie) à travers le monde, il existe six (6) grands principes permettant à la vie de perdurer dans les cycles naturels :
1. S’adapter pour survivre
2. S’adapter aux conditions changeantes
3. Décentraliser le pouvoir décisionnel
4. Ne pas oublier le développement de chacune des parties dans un cadre de croissance
5. Être efficiente et préserver les ressources
6. Utiliser une chimie inoffensive pour la vie
Chacun de ces principes a le potentiel de guider nos actions de façon bénéfique. Nous évoluons dans un monde vivant. Plus encore, nous sommes une composante du vivant. Alors comment appliquer les principes de la vie dans nos entreprises et dans notre vie :
Les organisations créent les conditions propices pour évoluer et survivre : optimiser sans cesse les processus, répliquer les stratégies de succès, développer les compétences de leurs équipes, instaurer une culture d’innovation, stimuler la créativité, trouver de nouveaux partenaires, miser sur la coopération et le multidisciplinaire, requestionner et redéfinir leur raison d’être. Votre organisation développe-t-elle constamment ses propres capacités d’adaptation et de résilience ? Comment contribue-t-elle à augmenter la solidité de son écosystème (fournisseurs, communautés, etc.) ?
Les organisations doivent être à l’écoute du monde pour s’adapter et proposer des réponses aux nouvelles réalités : raréfaction des ressources, urgence climatique, insécurité psychologique, diversité des besoins des populations, nouvelles attentes sociales et écologiques des consommateurs, des fournisseurs et des étudiants, de leurs futurs employés, etc. Comment votre organisation s’assure-t-elle que ses produits et services mis en marché améliorent réellement la vie des gens et la situation de la planète ?
Ainsi les individus et les équipes perçoivent, communiquent et agissent de façon coordonnée pour accomplir leur mission de manière optimale, dans un climat de travail sain et de confiance en l’expertise de chacun. Dans l’organisation, des pouvoirs décentralisés permettent aux personnes les plus proches des impacts des décisions de suggérer collectivement des solutions aux problèmes et ainsi gagner en créativité et efficacité. Votre organisation développe-t-elle la capacité de ses équipes pour prendre des décisions locales, établit-elle des systèmes de rétroaction au plus proche de ses opérations pour optimiser les processus ? Avez-vous instauré un climat de travail encourageant une communication ouverte, sincère et respectueuse ? Vos filiales et succursales sont-elles connectées aux besoins des communautés locales ?
Pour survivre, les organisations doivent s’assurer que leur développement (et pas forcément leur croissance, qui n’est pas une condition de la vie) se fasse de façon coordonnée à toutes les échelles de leur structure et en cohérence avec leur écosystème. La croissance se fait optimalement lorsque chacune des parties du système est en santé et contribue à la santé des autres ainsi qu’au tout. Est-ce que votre organisation favorise le développement de chacun de ses départements, de sa chaîne de valeur et des communautés avec lesquelles elle est en interaction ? Veille-t-elle à ce que chaque employé, client et partie prenante développe et utilise son talent unique dans une perspective collective d’impact ? S’assure-t-elle de contribuer positivement à son écosystème et à la résilience de celui-ci ?
Les systèmes vivants oeuvrent avec le minimum de matière et d’énergie possible, en respectant la capacité de renouvellement des ressources de la planète. Pour une organisation, cela implique d’explorer les multiples stratégies d’économie circulaire et de commencer à régénérer les écosystèmes par ses activités (ex: l’agriculture régénératrice qui revitalise les sols et capte les gaz à effet de serre tout en produisant des aliments). Votre organisation utilise-t-elle des matériaux recyclés ? Prévoit-elle ses processus de façon à ce que ses extrants puissent être réutilisés comme matière première, par elle-même ou par d’autres, dans une dynamique d’économie circulaire ? Conçoit-elle de façon multifonctionelle ? Consomme-t-elle de l’énergie à impact minimal et de source locale ? Avant d’acheter un bien nouveau, évalue-t-elle la possibilité de louer, de partager, d’utiliser un bien existant ?
La nature ne génère que des sous-produits qu’elle est capable de transformer ou absorber naturellement dans les cycles naturels. Est-ce que votre organisation conçoit exclusivement à partir d’éléments simples et sains, non-toxiques pour le vivant et en cohérence avec les cycles de réutilisation des éléments et matériaux ? Prévoit-elle des dispositions et conçoit-elle de façon à ce que les différents éléments et matériaux de ses produits puissent être séparés facilement pour être réutilisés ou recyclés, en fin de vie ? Contribue-t-elle par ses activités à restaurer les capacités de la Terre à fournir ses services comme l’air et l’eau pure, les terres arables, etc. ? Lorsqu’on y pense, ce principe est également applicable à la connaissance et à la culture organisationnelle, qui devraient permettre de générer du mieux pour les humains qui l’utilisent, la diffusent ou la reçoivent.
Pour conclure, vous devez savoir que ces grands principes qui régissent la vie, sont parfaitement applicables dans nos organisations pour augmenter leur résilience. Ils font partie intégrante de la philosophie et de la pratique concrète du biomimétisme. Cette approche subit un engouement croissant ici et à travers le monde, dans toutes les sphères sociétales et tous les domaines de métiers. En effet, la nature est un laboratoire vivant de plusieurs milliards d’années et ce que vous cherchez à inventer l’a probablement déjà été. Ouvrez simplement les yeux ! Nous avons la conviction qu’il y a un potentiel de transformation immense de nos façons de penser pour aller vers des modèles cohérents avec les principes de la vie, ce qui sera bénéfique pour nous tous.
Cette réflexion n’est que le germe de ce qui pourrait devenir un mouvement vers une révolution de nos organisations. Elle est imparfaite et appelle au dialogue de tout.e.s celles et ceux qui souhaitent y contribuer. Plusieurs questions nous interpellent, dont notamment :
• Comment être inclusifs et valoriser la diversité ?
• Comment cadrer nos valeurs humanistes afin que les intérêts individuels se soumettent au bien commun ?
• Cette approche est pleinement celle sur laquelle s’appuie The Natural Step et la Théorie du donut, mais comment s’inscrit-elle dans les cadres existants comme B-Corp et les objectifs de DD de l’ONU ?
On aimerait créer les bonnes conditions pour concrétiser cette vision et rendre vivante la pratique ensemble dès maintenant. Vous êtes partants ? Rejoignez la conversation...
De gauche à droite : Thibaut Allibert (Ellio) - Maxime Baril (Quintus) - Esther Dormagen (Ellio) - Thierry de Greef (Nonante) - Alexandre Joyce
Moana Lebel (Institut de biomimétisme) - Nathalie Nowak (Imfusio) - Marie Rousseau (Ecoprocessus)
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